Atelier de restitution de la capitalisation du PDIDAS
Le CRAFS (cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal) a organisé le mardi 15 mars 2022 au niveau du Centre AfricaRice de Saint-Louis un atelier de restitution de la capitalisation du PDIDAS (Projet de développement inclusif et durable de l’agrobusiness au Sénégal).
Ce travail a été conduit à l’initiative de la société civile afin de tirer des enseignements utiles pouvant alimenter les débats sur la gouvernance foncière. Le PDIDAS, financé à hauteur de 43 milliards de FCFA (prêt de la Banque Mondiale de 40 milliards de FCFA et don de 3 milliards du FEM), est intervenu dans 9 communes autour du lac de Guiers. Il visait à aménager 10 000 hectares, en mobilisant d’une part les terres des communautés et d’autre part les ressources financières d’entreprises commerciales. Il s’agissait ensuite de mettre à disposition les terres aménagées pour moitié aux entreprises commerciales privées et pour l’autre moitié aux producteurs locaux.
Démarré au moment où l’Etat avait engagé un large processus de concertation pour élaborer les orientations de sa réforme foncière, la mise en place du PDIDAS a aussi été présentée par ses promoteurs comme une opportunité pour tester un nouveau modèle de gouvernance foncière par une nouvelle approche et de nouveaux instruments juridiques reposant sur la délivrance de baux et sous-baux.
Afin de suivre cette dynamique et apporter tout le soutien nécessaire aux populations concernées, le CRAFS a mis en place en 2015 une phase pilote de l’Observatoire national de la gouvernance foncière (ONGF). Il s’agissait d’assurer une veille citoyenne dans les zones d’intervention du PDIDAS et d’accompagner les maires concernés en les aidant à s’organiser au sein d’un collectif. Ce n’est qu’après cette forte implication, à l’initiative de la société civile pour venir en appui aux communes, qu’il y a eu une intégration officielle du CRAFS et des maires des communes d’intervention dans le dispositif de suivi du PDIDAS.
Les résultats obtenus sont loin d’être satisfaisants
En présence des maires des communes, d’élus locaux, leaders paysans, responsables de GIE et représentants de la société civile, de la SAED, du PROCASEF et d’experts, la restitution a permis de présenter les perceptions et ressentis des acteurs locaux concernant le déroulement et les résultats obtenus par le PDIDAS après 7 années d’intervention. Le bilan réalisé par les acteurs locaux a été unanime. Bien que le projet ait suscité beaucoup d’espoirs au démarrage, les résultats obtenus sont loin d’être satisfaisants de leur point de vue. Certains acquis ont été soulevés : des bureaux fonciers ont été construits au niveau des communes, des agents fonciers et chauffeurs recrutés, des véhicules mis à disposition des maires et des procédures de régularisation foncière entamées. Mais si on se réfère aux objectifs initiaux, on est loin des ambitions initiales.
Sur un objectif initial de 10 000 ha, le PDIDAS n’a permis d’aménager à la date de sa clôture que 14 % des surfaces prévues. Et dans les aménagements hydro-agricoles réalisés, les exploitants qui y sont installés soulignent la nécessité de les appuyer pour qu’ils puissent réellement les mettre en valeur. Parmi les manquements soulevés par les communautés et les maires, il y a la clôture du projet sans remise aux communes des données foncières les concernant, les cessions et réaffectations de terres intervenues sans la clarification de la situation foncière de ces terres (non aménagées finalement), la difficulté de pérénisation des agents fonciers recrutés par le projet dans leur fonction car les communes n’ont pas les capacités financières pour les prendre en charge avec les niveaux de salaires qui avaient été mis en place par le PDIDAS.
Les témoignages des maires témoignent des difficultés auxquelles ils sont désormais confrontés :
« Le PDIDAS ne nous a pas avertis de la fin du projet et il est parti avec notre base de données foncières. Ils ont fermé le projet sans même une réunion avec les maires, ni aucun contrat de fin. »
« On reçoit au niveau de la commune plusieurs plaintes de dépossession et on est obligé d’essayer de régler ce problème nous-même, alors que c’est le PDIDAS qui l’a créé. »
« Je dis souvent, que trois étapes caractérisent le projet PDIDAS : espoir, compromis et déception. Car après avoir récupéré toutes nos parcelles non seulement ils n’ont pas respecté les promesses qu’ils avaient faites, mais il n’y a eu aucune réalisation. Maintenant que le projet a pris fin, le PDIDAS a chamboulé tout le foncier et nous voilà maintenant dans une situation compliquée ».
De nombreuses recommandations
De nombreuses recommandations ont été formulées par les acteurs locaux pour sortir des difficultés présentes actuellement dans la zone et ne pas reproduire à l’avenir les mêmes erreurs. On peut citer notamment quelques-unes d’entre elles :
- (i) clarifier la situation des terres ayant fait l’objet de désaffectations et de délibérations au nom de GIE et sur lesquelles aucun aménagement n’a finalement été réalisé ;
- (ii) faire un suivi avec les communes des parcelles ayant obtenu des délibérations et un numéro NICAD qui ont été vendues pour alerter sur les risques de marchandisation accrue du foncier liés à ces procédures de sécurisation foncière ;
- (iii) poursuivre le plaidoyer auprès de l’Etat du Sénégal pour qu’il puisse payer les entreprises chargées de finaliser les aménagements ;
- (iv) consolider les données foncières disponibles concernant les parcelles ayant fait l’objet d’une régularisation et mettre ces données à la disposition des communes ; (v) poursuivre la dynamique portée par le collectif des maires pour sortir des impasses actuelles et porter le plaidoyer auprès de l’Etat ;
- (vi) communiquer largement sur la capitalisation de ce projet pour que les mêmes écueils ne soient pas rencontrés par d’autres communes dans le cadre de futurs projets et que des dispositifs de veille, à l’instar de celui joué par la société civile dans le cas du PDIDAS puissent être systématisés ;
- (vii) réorienter les stratégies d’intervention des projets avec une composante foncière (notamment le PROCASEF) vers un renforcement des compétences transférées aux communes en matière de gestion foncière et en faire des portes d’entrée pour toutes les activités prévues, avec l’appui des services déconcentrés de l’Etat et des sociétés publiques.
Source : Foncier et développement