Le foncier en Casamance, source de conflits
Déphasage entre la loi sur le domaine national et le droit coutumier, problématique de l’accès à la terre… étant à l’origine de nombreux conflits fonciers en Basse Casamance.
La fondation Konrad Adenauer-Stiftung a publié une étude intitulée : « Les politiques foncières au Sénégal : cas de la Basse Casamance ». Un document qui a permis entre autres de montrer les insuffisances de la loi sur le domaine national au regard du droit coutumier de gestion des terres, surtout en pays Joola, et les conflits qu’elle engendre et de scruter la problématique de l’accès à la terre, particulièrement chez les femmes dans cette partie du Sénégal.
La loi sur le domaine national a été particulièrement indexée comme étant à l’origine de nombreux conflits fonciers en Basse Casamance. Selon l’étude réalisée par la Fondation Konrad Adenauer-Stiftung (FKA) et présentée hier, cette loi, dans son esprit, est quasiment une continuité de la législation coloniale. « Les textes adoptés pendant et après l’indépendance véhiculent pour la plupart des valeurs qui sont extérieures aux modes de gestion coutumière de la terre », souligne-t-on dans le document qui note que, malgré tout, les règles coutumières existent et continuent à s’appliquer encore aujourd’hui dans beaucoup de communes. Il en résulte un véritable déphasage entre deux ordres juridiques. A en croire le document, devant la loi sur le domaine national, les traditions opposent le caractère multiséculaire du droit coutumier sur la terre et les autres ressources. Pour l’accès des femmes à la terre, il a été soulevé la question des pesanteurs socioculturelles qui demeurent encore vivaces.
En effet, souligne l’étude, dans la plupart des villages enquêtés, il a été identifié au moins deux modèles. « Celui appelé ‘’bandial limité’’ où la femme n’a accès qu’aux rizières qu’elle hérite de sa mère. Elle n’a cependant pas droit aux champs des plateaux », apprend-on. Il y a également le modèle classique que l’on retrouve dans la plupart des villages joola. Ici la femme n’a droit ni aux rizières ni aux champs des plateaux.
« Seul l’homme a le droit d’hériter des parents car, selon la tradition, la femme est appelée à se marier et à appartenir à une autre famille. Elle ne peut donc pas hériter des terres au risque que celles-ci deviennent les propriétés de son époux », précise-t-on dans l’étude publiée hier par la FKA. Tout compte fait, les experts ayant rédigé le document indiquent que la question du foncier n’est pas une question désespérée en Basse Casamance.
Mieux, soulignent-ils, elle exige cependant une reconsidération des critères d’attribution, d’acquisition, de cession et de gestion des terres, et des mécanismes de résolution des conflits nés de l’utilisation des instruments de gestion du domaine national et du droit coutumier. Ces évolutions s’inscrivent naturellement dans un long processus, renchérissent-ils.